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Mexico 1968

Altitudes et records

         Des événements tragiques marquent l'année 1968. Le pasteur Martin Luther King et Robert Kennedy sont assassinés, la guerre du Vietnam fait rage et l'URSS envahit la Tchécoslovaquie. Et dix jours avant l'ouverture des Jeux de Mexico (12 au 27 octobre), une fusillade éclate place des Trois-Cultures faisant trois cents victimes selon les organisations des Droits de l'Homme (une vingtaine selon les autorités) parmi les 10.000 étudiants venus manifester. Le Président du CIO, Avery Brundage, dit que si il y a des manifestations sur les sites olympiques, les compétitions seront annulées.

Des Jeux sous protection.
         Ces Jeux, les premiers organisés dans un pays en voie de développement, s'ouvrent sous la protection de l'armée. Le Mouvement sportif reste uni. 5423 athlètes de 112 pays, dont la RDA pour la première fois, sont au rendez-vous le plus haut de l'histoire olympique (Mexico est à une altitude de 2277 m). Le chronométrage exclusivement électronique, la piste d'athlétisme en tartan, le contrôle de la féminité et les contrôles antidopage sont des nouveautés qui feront date.

Pluie de records.
         Les records "tombent" sur les courtes distances : 100m, 200m et 400m avec les Noirs américains Jim Hines (le premier à être passé sous les 10 secondes -lors d'un Championnat universitaire), Tommie Smith et Lee Evans. Pour protester contre le racisme aux Etats-Unis, "Jet" Smith, vainqueur du 200m, et John Carlos (3e) baissent la tête et brandissent un poing ganté de noir au moment de l'hymne américain. Ils sont exclus des Jeux par leur propre Comité olympique.
         Au saut en hauteur, l'Américain Dick Fosbury invente une technique dorsale qui portera son nom. Son compatriote Al Oerter gagne une quatrième médaille d'or au disque. Il devient ainsi le premier athlète à gagner quatre médailles d'or consécutivement dans la même discipline aux jeux Olympiques. Mais l'exploit le plus phénoménal est accompli le 18 octobre par l'Américain Bob Beamon à la longueur avec un bond mythique de 8,90 m.
         Dans les courses de fond, les Kenyans à l'image de Kipchoge Keino, font leur apparition. En natation, les Américains sont dominateurs. En gymnastique, la Tchécoslovaque Vera Caslavska - quatre médailles d'or - est étincelante.

 


      La ficheTop

Dates : Du samedi 12 au dimanche 27 Octobre
Villes candidates : Detroit, Lyon, Buenos Aires
Athlètes : 5330 (dont 781 femmes)
Sélectionnés français : 172 (dont 25 femmes)
Nations : 112
Sports : 18
Sports de démonstration : 2 (pelote basque et tennis)
Epreuves : 172
Médailles distribuées : 527
Palmarès français : 15 médailles (7 en or, 3 en argent, 5 en bronze)
Mascotte : Un Jaguar rouge sans nom
Président du CIO : Avery Brundage (USA)
Ouverture proclamée par : Gustavo Diaz Ordaz, président de la République mexicaine
Dernier porteur de la flamme : Enriqueta Basilio Soleto (athlétisme)
Serment prêté par : Pablo Garrido Lugo (athlétisme)
Droits de télévision en dollars : 9,75 millions USD
Journalistes : 2249



   Le saviez-vousTop

        Altitude : Mexico se trouvant situé à plus de 2200 m d'altitude et la teneur en oxygène étant inférieure de 30% à celle d'une ville située au niveau de la mer, cette désignation provoque des polémiques.

        Equipement : En 1968, Mexico compte 147 terrains de football, 135 stades de basket-ball, plus de 40 piscines olympiques, 26 gymnases et 4 pistes d'athlétisme...

        Répression : Dix jours avant le début des jeux, une manifestation étudiante est durement réprimée et plus de trois cents cadavres jonchent les rues de Mexico.

        Affluence : La cérémonie d'ouverture, le 12 octobre 1968 dans le stade Aztèque, est suivie par 110.000 spectateurs

        Absents : L'Afrique du Sud et la Chine, pas invités par le CIO, ne participent pas aux JO.

        Division : Pour la première fois depuis la partition de l'Allemagne, RFA et RDA participent aux mêmes compétitions, sous un maillot différent et avec un hymne différent.

        Flamme : Pour la première fois la flamme est allumée par une femme: la championne d'athlétisme et spécialiste du 400 m Enriqueta Basilio.

        Audience : 500 millions de téléspectateurs suivent les jeux.

        Public : Le village olympique est ouvert aux visiteurs.

        Féminité : Avant la compétition, les médecins contrôlent toutes les athlètes féminines pour vérifier qu'il s'agit bien de femmes.

        Contrôle : Un contrôle antidopage quotidien est organisé. Cinquante tests par jour, dans cinq compétitions, sont effectués. De même, l'urine des six premiers de chaque épreuve individuelle est prélevée. Au total, 667 athlètes ont été contrôlés, un seul s'est avéré positif, celui du pentathlonien suédois Hans-Gunnar Liljenvall, dans le sang duquel on a retrouvé des traces d'alcool.

        Tartan : Apparition du tartan sur les pistes d'athlétisme. Un progrès certain pour les performances.

        Polémique : Lee Evans, Larry James et Ronald Freeman réalisent le triplé sur 400 m. Les Américains montent sur le podium avec béret noir vissé sur le crâne pour protester contre la discrimination raciale aux Etats-Unis.

        Domination : Pour la première fois, les huit finalistes du 100 m messieurs sont de couleur.

        Rapide : L'Américaine Wyoma Tyus est la première athlète, hommes et femmes confondus, à gagner deux fois d'affilée le titre sur 100 m. A Mexico, elle établit d'ailleurs un nouveau record mondial en courant en 11"08.

        Révolution : Richard "Dick" Fosbury crée la sensation en sautant dos à la barre. Il est champion olympique de la hauteur et donne son nom à cette nouvelle technique.

        Anémomètre : Certains commentateurs attribuent le nombre de records battus à d'éventuelles erreurs commises dans la lecture des instruments de mesure de la vitesse du vent. Par exemple, le vent était de 2m/seconde durant le saut de Beamon, il était également de 2m/seconde lors du 200 m féminin remportée par la Polonaise Irena Swezinska (nouveau record du monde en 22"58). Idem au triple-saut... Il faut dire que 2m/seconde était la limite légale acceptée pour officialiser un record du monde.

        Afrique : Naftali Temu, vainqueur du 10.000 m, est le premier Kényan champion olympique. C'est également la première fois que trois Africains occupent les trois places sur le podium.

        Succession : Le vice-champion olympique du 100 m, le Jamaïcain Lennox Miller, est le père de l'Américaine Inger Miller, championne olympique du 4x100 m à Atlanta et championne du monde du 200 m à Séville en 1999 (2e du 100 m).



L'exploitTop 

Bob Beamon ou "le saut de l'An 2000".
         "Ne mords pas, ne mords pas". Mâchoire et poings serrés, Bob Beamon se motive avant de s'élancer pour ce qui allait devenir l'un des plus beaux exploits de l'histoire de l'athlétisme ce vendredi 18 octobre 1968 peu après 15h40 à Mexico. Par un temps pluvieux et orageux, il parcourt 8,90 mètres dans les airs avant de retomber dans le bac à sable.
         Ils sont 17 au départ de la finale du saut en longueur. Les trois médaillés de Tokyo quatre ans auparavant, le Britannique Lynn Davies, l'Américain Ralph Boston et le Soviétique Igor Ter-Ovanessian, sont présents et rêvent d'une nouvelle breloque. Mais le favori de la compétition est Bob Beamon, un Noir américain né dans un quartier pauvre de New-York vingt-deux ans plus tôt.

Qualifié au 3e essai.
         Il a déjà participé cette saison-là à vingt-trois compétitions, en a gagné vingt-deux. Sa seule défaite, il l'a connue en salle. La veille, lors des qualifications, il avait pourtant frôlé la catastrophe en mordant ses deux premiers essais. Avant le troisième saut, Ralph Boston, médaille d'argent à Tokyo en 1964, s'était approché pour lui conseiller de se détendre et de reculer ses marques de quelques centimètres.
         Pour se remettre de ses émotions, il avait passé la nuit dans des bars mexicains à vider des verres de tequila avant de terminer la nuit dans les bras et le lit d'une créature locale.
         Beamon est le quatrième athlète à s'élancer. Les trois premiers ont mordu. Sur le bord de la piste, Boston l'encourage: "Vas-y Bob, fais-nous un bon saut". Ca y est, il est parti. Poussé par un vent favorable mesuré à 2 m/sec, la limite légale, sa course est rapide (il vaut 9 secondes 50/100 aux 100 yards) et sa planche parfaite: Beamon s'envole, jambes repliées et bras écartés. Les spectateurs ont l'impression qu'il ne touchera plus jamais le sol. Mais il retombe, enfin...

Les appareils s'affolent.
         Les officiels sont les premiers à réaliser l'ampleur de l'exploit. Leur appareil de mesure trop petit, ils se munissent d'un mètre à bande métallique pour calculer la longueur exacte du saut. Un juge s'approche de Bob Beamon et lui murmure: "Formidable, formidable".
         Quelques secondes plus tard, le tableau lumineux s'allume et en dessous du dossard 254 s'inscrivent trois chiffres "8.90". 8 mètres et 90 centimètres ! Le record du monde est pulvérisé (55 cm de mieux). Le public n'en croit pas ses yeux. Beamon non plus. Ne maîtrisant pas encore le système métrique, il met du temps avant de réaliser et avant de courir vers Boston pour l'embrasser.
         Ter-Ovanessian se tourne vers un Davies effaré et lui dit: "Comparé à son saut, nous sommes comme des enfants". Tandis que Bob Beamon, en état de choc, s'effondre sur la piste à genoux et en larmes.
         Le concours reprend ses droits mais juste après le premier essai de Ter-Ovanessian, la pluie se met à tomber, plus forte que jamais. Comme si les Dieux aussi avaient voulu participer à un exploit que certains commentateurs n'hésiteront pas à qualifier le lendemain de "saut de l'an 2000".



      Le faitTop 

Scandale à l'issue du 200 mètres.
         Quand les trois athlètes qui viennent de dominer la finale du 200 m montent sur le podium recevoir leur médaille, les spectateurs du stade Aztèque ont les yeux braqués sur le vainqueur Tommie Smith. En parcourant la distance en 19 sec 83, l'Américain a établi un nouveau record du monde et a devancé l'Australien Peter Norman et un autre Américain John Carlos.
         Si la course reste un beau souvenir sportif, la cérémonie protocolaire va quant à elle marquer l'Histoire olympique.
         A l'arrivée des athlètes au pied du podium, les spectateurs apercoivent les deux Américains portant un gant noir dans une main, leurs chaussures dans l'autre et affichant un badge des "Droits civils" sur leur survêtement, badge que porte également Norman par solidarité.

Salut du "Black power".
         Et tandis que l'hymne américain retentit et que la bannière étoilée monte dans le ciel, les deux coureurs noirs-américains, en chaussette, baissent la tête et lèvent un poing copiant le salut du "Black power". Ils entendent par ce geste protester contre l'inégalité raciale qui règne au pays de l'Oncle Sam.
         Ils ont voulu signifier que les idées de liberté exprimées dans l'hymne américain ne valaient aux Etats-Unis que pour ceux qui avaient la peau blanche.
         Carlos expliqua aux journalistes: "Après ma victoire, l'Amérique blanche dira que je suis Américain, mais si je n'avais pas été bon, elle m'aurait traité de Négro".
         Les officiels ont été offensés par ces propos et ces gestes si peu olympiques. Le Comité international olympique a immédiatement fait savoir que les deux athlètes seraient sanctionnés. De leur côté, les dirigeants américains ont vivement réagi en suspendant les deux hommes et en leur ordonnant de quitter sur le champ le village olympique.

Retour de pestiférés.
         Par solidarité le lendemain à l'issue du 400m, les trois athlètes noir-américains Lee Evans, Larry James et Ronald Freeman salueront les spectateurs poings levés, bérets noirs vissés sur la tête et sourire aux lèvres.
         L'opinion internationale avait regardé Smith et Carlos avec sympathie. Mais quand ils retournèrent aux Etats-Unis, l'accueil ne fut pas le même.
         De longs mois d'errance commencèrent alors pour les deux rebelles qui ne trouvèrent aucun travail digne de ce nom et virent également leur ménage se briser.
         Finalement, en 1972, Smith trouva un poste d'entraîneur à Oberlin College (Ohio). Six ans plus tard, il créa à Santa Monica (Californie) un programme d'aide aux jeunes venant des ghettos.
         Quant à Carlos, il retourna à la case départ en février 1982 quand le comité d'organisation des Jeux de Los Angeles lui demanda de promouvoir les JO de 1984 dans les ghettos noirs. La boucle était bouclée...


 
Cette année làTop

        Hiver : Le skieur français Jean-Claude Killy est roi des jeux Olympiques d'hiver à Grenoble avec trois médailles d'or.

        Rugby : La France arrache son premier Grand Chelem dans le tournoi des Cinq nations.

        Etats-Unis : Martin Luther King est assassiné le 4 avril et Bob Kennedy le 6 juin tandis que Richard Nixon est élu président le 5 novembre.

        France : Le mois de mai entre dans l'Histoire de France.

        Espace : Youri Gagarine, le premier homme de l'espace, se tue en avion, le 27 mars, et le 21 décembre trois Américains font le tour de la Lune.

        Carnet : Mort de Charles Munch, chef d'orchestre français.

        Tchécoslovaquie : Les chars soviétiques envahissent Prague le 20 août. Le socialisme d'Alexandre Dubcek est mort.

        Nigéria : La guerre civile fait rage et provoque un véritable génocide au Biafra. Principales victimes: les enfants.



      AnecdotesTop 

        Scandale : Lors de la remise des médailles du 200 m hommes, les Noirs Américains Tommie Smith et John Carlos, premier et troisième, lèvent le poing et baissent la tête sur le podium quand l'hymne retentit. Ils protestent contre l'inégalité des races aux Etats-Unis. Ils sont en chaussettes noires et refusent leur médaille. Ils seront exclus des Jeux.

        Bondissant : L'exploit de ces Jeux est l'oeuvre de Bob Beamon au saut en longueur. En sautant 8,90 m il améliore le précédent record du monde de 55 cm. Un record qui tiendra jusqu'en 1991 quand, aux Championnats du monde de Tokyo, l'Américain Mike Powell sautera 8,95 m.

        Cavalière : Chez les Français, la palme revient à la Bordelaise Colette Besson qui, le mercredi 16 octobre, remporte le 400 m grâce à une dernière ligne droite de toute beauté où elle reprend une à une toutes ses adversaires.

        Prison : L'Ethiopien Mamo Wolde gagne le marathon. En 1992, il sera arrêté et jeté en prison, accusé dans le cadre des grands procès contre "la Terreur rouge".

        Résultats : Les Mexicains n'ont pas été prophètes en leur pays en ne remportant que trois médailles d'or, deux en boxe (Ricardo Delgado et Antonio Roldan) et une en natation (Felipe Munoz).

        Début : En boxe (catégorie super-lourds), un futur champion du monde gagne le titre olympique: George Foreman.

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