Le fait
L'olympisme traîne le boycottage comme un boulet.
Le 27 décembre 1979, l'URSS envahit l'Afghanistan pour soutenir le coup d'Etat de Babrak Karmal. Le 19 juillet 1980, le chef de l'Etat soviétique, Leonid Brejnev, ouvre les jeux Olympiques sans une soixantaine de pays qui ont décidé un boycottage après le coup de force de l'Armée Rouge.
Entre ces deux événements, plusieurs mois d'intenses négociations, de polémiques et de débats font vaciller l'oeuvre du baron Pierre de Coubertin.
L'Afghanistan comme enjeu.
En cette période de Guerre froide, les Etats-Unis sont les premiers à s'indigner. Washington utilise le boycottage, c'est une nouveauté, comme mesure de représailles. Le 20 janvier, Jimmy Carter adresse un ultimatum au Kremlin. "Si dans un mois au plus tard, vos troupes n'ont pas évacué l'Afghanistan, l'équipe olympique américaine n'ira pas à Moscou et nous demanderons aux autres pays de s'abstenir aussi".
Deux jours plus tard, les Soviétiques enfoncent le clou en déportant le dissident Andreï Sakharov.
Le Chancelier allemand, Helmut Schmidt, choisit de suivre les Américains, tout comme les Chinois, qui ont pourtant réintégré le CIO le 19 novembre 1979.
La Grèce offre ses services pour suppléer Moscou mais cette proposition n'est pas retenue par Lord Killanin, qui tente de colmater les brèches jusqu'au dernier moment. A ce titre, il rencontre Leonid Brejnev à Moscou et obtient des concessions début mai, exigées par les Occidentaux, symboliques certes mais qui sauvent peut-être les Jeux.
Les équipes pourront s'abstenir de cérémonie d'ouverture, celles qui le souhaiteront pourront défiler derrière le drapeau olympique et, lors de la remise des médailles, le drapeau et l'hymne olympiques pourront être présentés en lieu et place de ceux du pays du vainqueur.
Libre choix français.
Il faut dire que dans chaque pays le débat fait rage. En France, dès le début de la crise, le ministre de la Jeunesse et des Sports, Jean-Pierre Soisson, laisse un libre-choix au Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et aux Fédérations. Le CNOSF accepte donc l'invitation de Moscou. Mais les Fédérations d'équitation, de voile et de tir déclarent forfait et finalement les Français concourront dans 10 sports sur 21 mais sans drapeau tricolore, ni Marseillaise.
En Grande-Bretagne, le Comité olympique va à l'encontre des injonctions du Premier ministre, Margaret Thatcher, en décidant d'envoyer une délégation.
Le 12 avril, le Comité olympique américain (USOC) vote à près de 60 % pour le boycottage. Le 25 avril, le Canada, le Japon et la Corée du Sud déclinent à leur tour l'invitation.
De leur côté, 29 pays musulmans prônent le boycottage car ils considèrent l'attaque contre l'Afghanistan comme une attaque contre l'Islam.
Malgré une dernière tentative de Lord Killanin, qui se rend à Washington, une soixantaine de pays ne se rendent pas à Moscou.
Le boycottage de 1976 avait surtout été la protestation d'un continent, l'Afrique, nouvellement intégré au CIO. Celui de 1980 marque véritablement l'intrusion de la politique dans le mouvement olympique. Les dirigeants se sont appropriés l'événement pour en faire un moyen de pression politique. Il n'est donc pas étonnant de voir quatre ans plus tard les Soviétiques absents des Jeux de Los Angeles qui se déroulent "chez l'ennemi".
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