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Tokyo 1964

Les jeux se lêvent à l'est

         Pour la première fois, un pays asiatique accueille les jeux Olympiques. Le Japon tient à prouver qu'il s'est relevé des horreurs subies pendant le deuxième conflit mondial.
         Désignée en 1936 pour les Jeux de 1940, Tokyo avait dû renoncer, l'année suivante, en raison de son entrée en guerre contre la Chine. Le 25 mai 1959, la candidature japonaise recueille 34 voix sur 56 pour recevoir cette XVIIIe olympiade.

Globalement, ces Jeux sont une vraie réussite.
         Deux pays de marque manquent à l'appel: l'Afrique du Sud, exclue en raison de la politique d'apartheid, et la Chine, absente depuis 1956 et jusqu'en 1984, qui ne souhaite pas s'aligner aux côtés de Formose.

600 millions de téléspectateurs.
         Grâce à la "Mondovision", les Jeux touchent 600 millions de téléspectateurs.
         Le judo et le volley-ball apparaissent. En judo, les Japonais remportent trois des quatre titres. Mais la seule défaite nippone, due au géant néerlandais Anton Geesink, est vécue comme un deuil national.
         En athlétisme, l'Américain Bob Hayes domine le 100 m, le Néo-Zélandais Peter Snell réussit le "doublé" 800 et 1500 mètres et l'Ethiopien Abebe Bikila conserve son titre au marathon. Le discobole américain Al Oerter remporte sa troisième médaille d'or consécutive. Il en aura une quatrième à Mexico.

Jonquères d'Oriola sauve l'honneur.
         En natation, l'Américain Don Schollander gagne quatre courses et l'Australienne Dawn Fraser un troisième titre consécutif sur 100 m libre.
         Avec 15 médailles dont un titre olympique, celui du cavalier Pierre Jonquères d'Oriola en saut d'obstacles, la France déçoit.
         Certains ont vu dans ces Jeux la froide perfection japonaise. Mais au contraire, l'esprit olympique a soufflé avec une émotion souvent palpable. De plus, les Japonais ont prouvé qu'ils s'intéressaient à l'événement en se déplaçant en masse.



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Dates : Du samedi 10 au samedi 24 octobre
Villes candidates : Détroit, Vienne, Bruxelles
Participants : 5140 (dont 683 femmes)
Sélectionnés français : 142 (dont 22 femmes)
Nations : 93
Sports : 19
Epreuves : 163
Médailles distribuées : 504
Palmarès français : 15 médailles (1 or, 8 argent, 6 bronze)
Ouverture proclamée par : l'Empereur Hirohito
Dernier porteur de la flamme : Yoshinori Sakai (Athlétisme - Japon)
Flamme allumée par : Yoshinori Sakai (Athlètisme - Japon)
Serment prêté par : Takashi Ono (Gymnastique - Japon)
Président du CIO : Avery Brundage (USA)
Droits de télévision : 1,577 million de francs
Journalistes : 3204



  Le saviez-vous Top

        Palmarès : La France fait mieux qu'à Rome en empochant une médaille d'or, huit médailles d'argent et six de bronze.

        Plébiscite : Déjà désigné en 1936 pour recevoir les Jeux de 1940 avec Tokyo, le Japon, en guerre avec la Chine, s'était désisté l'année suivante. En 1959, la capitale japonaise recueille 34 voix sur 56 devant Détroit (Etats-Unis), Vienne (Autriche) et Bruxelles (Belgique). C'est la première fois que le continent asiatique organise les jeux.

        Dépenses : Tokyo a dépensé 3,745 milliards de francs pour mettre ses infrastructures au niveau.

        Changements : Le judo et le volley-ball sont les deux nouveaux sports de ces Jeux. Par contre, le tir à l'arc et le handball disparaissent.

        Précision : Le chronométrage au 1/100 de seconde devient officiel.

        Toucher : En natation, des plaques sensibles au toucher sont installées dans le bassin pour chronométrer les temps.

        Charme nippon : Le village olympique peut accueillir 7000 personnes. Des bicyclettes sont mises à la disposition des gens pour faciliter leurs déplacements dans le village.

        Ralenti : Apparition du ralenti à la télévision.

        Nouveaux venus : L'Algérie, le Cameroun, le Sénégal, le Tchad, Madagascar, la Côte d'Ivoire, la République populaire du Congo (Congo-Brazzaville), la Rhodésie du nord, le Mali, la République dominicaine, le Niger, la Mongolie, le Népal et Tanganyika participent pour la première fois aux JO.

        Exclusion : L'Afrique du Sud est exclue à cause de la politique d'apartheid.

        Symbole : Yoshinori Sakaï allume la flamme olympique. Il est né le 6 août 1945, jour où la bombe atomique est tombée sur Hiroshima.

        Affluence : 2 millions de billets sont vendus sur les différents sites olympiques

        Antidopage : Un contrôle antidopage est effectué après le contre la montre cycliste par équipes. Une première.

        L'adieu aux cendres : Pour la dernière fois, les épreuves d'athlétisme se disputent sur une piste en cendrée. A Mexico, le tartan devient le revêtement.

        Interprète : Afin de faciliter les relations entre athlètes, 904 interprètes sont engagés. Tous sont capables de s'exprimer en quatre langues (anglais, français, allemand ou russe).

        People : Les organisateurs font paraître un journal du village olympique. Dix numéros sortent à 5000 exemplaires du 15 septembre au 25 octobre. L'actualité et les potins sont commentés en trois langues: anglais, français et japonais.

        Serment : Deux modifications importantes sont apportées au texte initial du serment olympique prononcé pour la première fois en 1920 à Anvers. Le mot "jurer" est remplacé par "promettre" et la formule "pour l'honneur de nos pays" devient "pour l'honneur de nos équipes". Il s'agit essentiellement de supprimer la notion de nationalisme.

        Tourisme : Le judoka philippin Thomas Ong arrive à Tokyo plein d'espoirs. Pour son premier combat, il est balayé en six secondes et en repêchages le futur finaliste Akio Kaminaga ne lui laisse guère plus de temps de savourer sa présence au Japon en l'expédiant en quatre secondes. Un record qui tiendra 28 ans.

        Symbole : Le mât du stade, où flotte le drapeau olympique, mesure 15,21 mètres, ce qui correspond au bond victorieux du triple sauteur Mikio Oda aux Jeux d'Amsterdam en 1928, premier asiatique à remporter une médaille olympique.

        Spectacle : Lors de la cérémonie d'ouverture, le 10 octobre, deux chefs d'orchestre, MM. Matsumoto et Katayama, dirigent à tour de rôle un orchestre de cuivres d'environ 560 musiciens et 350 choristes. 12.000 ballons multicolores gonflés à l'hélium s'envolent suivis par 8000 pigeons. Trois salves de canons déchirent l'atmosphère, tandis que dans le ciel cinq chasseurs des Forces Aériennes tracent les cinq anneaux olympiques.



  L'exploit Top

Dawn Fraser: les pieds dans l'or.
         "Je savais qu'il fallait réussir ou mourir. C'était la plus grande affaire de ma vie et mon coeur battait très fort au moment du départ...". Au départ des Jeux de Tokyo, Dawn Fraser sait que l'enjeu de cette course dépasse le cadre d'une simple course.
         L'Australienne, déjà médaillée d'or sur le 100 mètres nage libre à Melbourne et à Rome, arrive dans la capitale nippone pour remporter un troisième titre consécutif, exploit jamais réalisé dans l'histoire de la natation. Pourtant les conditions ne sont pas idéales.

Accident dramatique.
         Le 29 février, à Sydney, elle améliore son propre record du monde en 58 sec 9/10, record qui tiendra d'ailleurs sept ans, battu par sa compatriote Shane Gould. Mais deux semaines après cet exploit, la seule nageuse à avoir réalisé moins d'une minute est victime d'un dramatique accident de la circulation qui provoque la mort de sa mère et la laisse grièvement blessée. Elle éprouve alors d'énormes difficultés psychologiques pour se remettre de ce drame, d'autant qu'elle conduisait le véhicule accidenté.
         Une minerve la prive ainsi d'entraînement pendant un mois et demi. Mais par la suite, elle trouve dans son sport un dérivatif pour oublier l'accident du mois de mars. Sept mois plus tard, malgré ses 27 ans, elle se présente à Tokyo remarquablement préparée.
         En série, elle égale son record olympique (1'00"6) et en demi-finale elle fait encore mieux en passant sous la minute (59"9).

Première sous la minute.
         En finale, les observateurs ne lui voient qu'une seule rivale, l'Américaine Sharon Stouder. Après un excellent départ de Fraser, la Californienne, âgée de 15 ans, effectue un superbe retour aux 70 mètres. Mais dans un dernier sursaut, Fraser atteint son objectif et l'emporte en 59 sec 5/10e. Stouder devient la deuxième femme à passer sous la minute (59"9).
         Plus tard, la turbulente australienne fera encore parler d'elle en étant arrêtée par la police japonaise pour complicité dans le vol du drapeau olympique du Palais impérial. L'intervention de l'Empereur lui évitera bien des soucis. Sa Fédération, qui a peu goûté cette petite blague, la suspendra 10 ans mettant un terme à la carrière d'une des plus grandes nageuses de l'histoire olympique, avec 4 titres olympiques et 4 médailles d'argent.



      Le fait Top

Quand Geesink fait pleurer tout un pays.
         Le judoka néerlandais Anton Geesink a provoqué un véritable drame au Japon en s'imposant dans la catégorie-reine dans ce pays, tourné vers les arts martiaux.
         Lorsque le CIO décide d'admettre le judo au programme olympique des Jeux de Tokyo, il s'agit surtout de faire plaisir au pays du soleil levant pour lequel le judo est une chapelle jalousement gardée. Les judokas nippons dominent le monde.
         Quatre catégories sont inscrites: les légers, les moyens, les lourds et celle, royale, des "toutes catégories". Les Japonais confisquent les trois titres premières. Mais dans la dernière, le public redoute un homme: un géant néerlandais de 1,98 m et de 118 kg, champion du monde toutes catégories en 1961.
         Au fur et à mesure que le tournoi avance, leurs craintes vont se justifier. En demi-finale, Geesink se débarrasse de l'Australien Theodore Boronovskis en 12 secondes. De son côté, l'espoir de toute la nation, Akio Kaminaga fait sensation en repêchage en établissant le record du combat le plus rapide -record qui tiendra 28 ans- en 4 secondes.

Le déséquilibre qui tue.
         Tous les éléments sont en place pour la "finale de rêve", le duel parfait.
         Le grand spécialiste du "déséquilibre qui tue" use une fois de plus d'armes inhabituelles. Après 9 minutes et 22 secondes, il profite de son physique pour immobiliser son adversaire au sol. Le Japon retient son souffle, souffre en même temps que Kaminaga. Les trente secondes réglementaires s'écoulent, signifiant la fin du combat. Le public japonais se lève, réserve une ovation respectueuse à Geesink et se rasseoit très vite pour digérer sa déception.
         Beaucoup de Japonais présents dans le temple du judo du Budokan bondé laissent couler des larmes.
         Ce combat a un retentissement énorme tant les Japonais se croyaient dominateurs. Mais comme pour tous les deuils, la vie continue et le Japon va retrouver sa mainmise sur la discipline pour encore quelques années.


 
Cette année làTop

        Religion : Paul VI voyage à Jérusalem le 4 janvier. C'est le premier Pape à se rendre en Terre Sainte.

        Boxe : L'Américain Cassius Clay devient champion du monde des poids lourds en battant Charles Sonny Liston par KO le 25 février.

        Chypre : Les casques bleus interviennent à Chypre le 16 mars après un conflit entre Grecs et Turcs.

        Egypte : Après trois années d'ouvrage, le barrage d'Assouan commence à se remplir.

        Inde : Jawharlal Nehru, Premier ministre indien, meurt le 27 mai, à l'âge de 74 ans à New Delhi.

        Pérou : 320 personnes, qui assistaient au match de football Pérou-Argentine le 24 mai, meurent après un mouvement de panique.

        Voile : Le Français Eric Tabarly remporte la première Transatlantique en solitaire en moins de 28 jours le 19 juin.

        Cyclisme : Le Français Jacques Anquetil gagne le Tour de France pour la cinquième fois le 14 juillet.

        URSS : Le chef du gouvernement de l'URSS Nikita Krouchtchev est limogé par le Comité central le 14 octobre.

        Nobel : Le pasteur Martin Luther King reçoit le Prix Nobel de la Paix. Le philosophe français Jean-Paul Sartre refuse celui de littérature.



      AnecdotesTop 

        Professeur : En apprenant que leur professeur de mathématiques allait tenter de se qualifier pour le 400 mètres des Jeux de Tokyo, les élèves d'un collège de Los Angeles furent sceptiques. Mais non seulement Mike Larrabee participe effectivement à l'épreuve mais il la remporte. A 30 ans, peu d'observateurs croyaient en ses chances. Pourtant sa course est superbe. Sixième à mi-course, il est toujours assez loin (5e) à la sortie du dernier virage. Mais grâce à son finish, il remonte un à un ses adversaires et s'impose en 45 sec 1/10e devant le Trinidadien Wendell Mottley (45"2). Il devenait du même coup le premier blanc à remporter le titre du 400 m en 32 ans.

        Vertige : Le médaillé de bronze du plongeon, l'Américain Larry Andreasen réalise quelques années plus tard un autre exploit. En 1988, alors âgé de 42 ans, il plonge d'un pont californien haut de 48,5 mètres. Il pense que ce saut est un record mondial mais ce dernier était en fait de 53 mètres. A défaut de record, ce plongeon lui valut une arrestation.

        Controverse : A l'issue du 100 mètres nage libre remporté par l'Américain Don Schollander, une polémique naît pour l'obtention de la médaille de bronze. Les juges, aidés par le chronométrage officiel, sont incapables de séparer l'Allemand Hans-Joachim Klein et l'Américain Gary Ilman. Après 35 minutes de discussion, ils décident de prendre en compte le temps (non officiel) au 1/1000 de seconde pour départager les deux hommes. Ainsi Klein obtient sa médaille avec un temps identique à celui d'Ilman.

        Beau monde : Au départ de la finale du 100 mètres dos, six des huit nageuses détiennent ou ont détenu un record du monde sur différentes distances, Cathy Ferguson (vainqueur), Christine Caron (2e), Virginia Duenkel (3e), Satoko Tanaka (4e), Linda Ludgrove (6e) et Jill Norfolk (8e).

        Intérêt : Le Japon se montre généreux avec la Fédération sud-coréenne de volley-ball en lui offrant 1 million de yen pour qu'elle envoie une équipe aux Jeux. Mais cette générosité n'est pas forcément spontanée puisque d'une part, après le retrait nord-coréen, il faut une équipe remplaçante pour que le tournoi puisse avoir lieu. D'autre part, le Japon est quasiment assuré de remporter la médaille d'or et donc tient au déroulement du tournoi. D'où cette générosité.

        Entremetteur : Après la victoire japonaise lors du tournoi féminin de volley-ball, la capitaine, âgée de 31 ans, Masae Kasai est invitée par le Premier ministre nippon, Eisaku Sato. Lors de l'entrevue, elle confesse à son hôte que la préparation difficile et la compétition l'ont empêchée de rencontrer des hommes. Sato promet de l'aider et lui fait rencontrer Kazuo Nakamura... qu'elle épousera.

        Potache : Quelques jours après avoir remporté son troisième titre olympique sur 100 mètres nage libre, l'Australienne Dawn Fraser se retrouve de nouveau sur le devant de la scène. Avec des amis, elle décide de ramener au pays un petit "souvenir" et complote en pleine nuit de voler le drapeau olympique qui flotte sur le Palais impérial. Surprise en train de faire le guet, Fraser est arrêtée par la police japonaise et doit à l'intervention de l'Empereur en personne de ne pas être plus inquiétée. L'Empereur, peu rancunier, offre même le drapeau convoité à la championne qui refuse de communiquer le nom de ses petits camarades. Sa Fédération, qui a peu goûté la plaisanterie, suspend la détentrice du record du monde pour dix ans "pour sa conduite inqualifiable et déshonorante pour l'Australie".

        Sur le fil : A 44 ans, et douze ans après Helsinki, le cavalier Pierre Jonquères d'Oriola remporte une nouvelle médaille d'or. Il la remporte le dernier jour au dernier moment. La veille, le ministre des Sports, Maurice Herzog, s'adressant aux journalistes français avait dit: "Nous n'avons aucune médaille d'or, mais nos champions ont fait de leur mieux.". Et le lendemain, la Marseillaise retentit...

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